DÉBAT SUR LA NOUVELLE CAMPAGNE DU FRONT DE GAUCHE - - - - - - - - -> commentaires bienvenus ! -
Polémique sur des images du Front de gauche
« La terre est bleue comme une orange »- écrit le poète. Non, ce premier vers n'augure pas, chez Paul Eluard, la victoire mondiale d'une coalition UMP/Modem. Il donne à voir, dans sa double plénitude sphérique, la beauté de notre planète aussi riche et généreuse que le fruit de Noël. Ce vers est entêtant. C'est la force de l'image.
Certes le Front de gauche n'est pas un poète. Mais, si nous voulons susciter l'espoir, quand bien même nous serions les mauvais élèves du politiquement correct, devons nous nous priver d'images ?
Je me rappelle cette campagne présidentielle où nombre d'entre nous, avons touché du doigt ce pour quoi nous nous battons depuis longtemps : un écho populaire à un projet qui alliait propositions concrètes et imaginaire des luttes et de la dignité. Nous l'avons appelé révolution citoyenne.
C'est par ces idées que je veux commencer à répondre aux critiques sur la communication de la campagne « l'alternative à l'austérité c'est possible » construite entre les responsables communication de toutes les composantes du Front de gauche et le graphiste Pascal Colrat.
Certains pensent que la critique a été lancée par des nostalgiques de la précédentes charte graphique. Personnellement, je garde la nostalgie pour les soirées fado.
D'autres reprennent, à partir du visuel générique, l'argument du journaliste qui a lancé au meeting de Metz le twitt : « le Front de gauche vire à droite ». A part le bon mot, connaissez vous une personne qui, parce qu'elle regarde l'affiche, en déduirait cela ? Ce serait, en ce cas, à désespérer du peuple et je sais que la crainte ou la défiance du peuple n'est pas de notre côté.
Pourquoi avoir choisi la déviation à droite et non à gauche , parce que les images, comme les textes se lisent, y compris à notre insu. Et dans un monde où les images nous environnent, nous avons intérêt à apprendre à les décrypter pour nous construire notre propre rapport et opinion sur elles. Et aussi pour déjouer les pièges publicitaires et politiques que ceux, dont le métier est de nous rouler, de nous faire consommer, d'exciter nos pulsions en les faisant passer pour notre désir, bâtissent.
En France, nous lisons de gauche à droite, c'est à dire le début est à gauche, la fin à droite. Sauf pour les chiffres qui nous viennent des arabes où les unités sont à droite, les dizaines, les centaines... l'infini à gauche. Ainsi, la plupart d'entre nous se rappellent les frises historiques où la préhistoire est à gauche, l'avenir à droite. Et ainsi de suite... Voilà pourquoi, dans la publicité comparative, le mauvais produit est à gauche. Voilà pourquoi, dans les affiches politiques, de quelque bord que l'on soit, le candidat regarde vers la droite pour signifier l'avenir. Soit dit en passant, personne, à partir de l'affiche officielle, n'a accusé Jean-Luc Mélenchon de lorgner à droite.
A l'opposé, chacun comprendra que l'inversion de l'image aurait pu être interprétée comme un retour vers le passé – argument malheureusement plus susceptible de rencontrer l'empathie des passants que l'option droitière du Front de gauche. Quand je regarde cette image inversée, j'y vois aussi la possibilité d'entrer dans la déviation par son issue.
Je pense que cette campagne, avec la multiplicité de ses images, est une belle campagne. Elle détourne un code populaire que tout le monde connaît même ceux qui ne savent pas conduire. Elle donne du sens et fait sourire et nous savons bien que rien de ce qui est anxiogène ne nous sert. Elle est moderne, au bon sens du terme, déclinable. Les panneaux propositions peuvent s’accoler à l'issue de l'impasse comme le montrent les images jointes. Elle peut devenir entêtante. Moi qui ai passé un certains temps avec ces visuels, chaque fois que je croise un panneau routier, j'entends maintenant « Front de gauche ».
Mais d'une manière générale, ne nous privons de rien pourvu que cela soit juste. Nos adversaires peuvent bien nous laisser le rouge s'ils le veulent, ne renonçons nous à aucune couleur.
Laurent Klajnbaum